Les lecteurs connaissent surtout Suzanne Aubry pour ses sept tomes consacrés à Fanette, une héroïne qui a connu un succès de librairie exemplaire. Avec Ma vie est entre tes mains, elle met de côté sa prédilection pour les sagas historiques musclées afin de nous convier à un voyage à travers les Prairies canadiennes. Il s’agit également d’un retour au pays natal pour Michel Perreault, l’un des personnages principaux, condamné à un exil montréalais lorsqu’un vol auquel il participe tourne au vinaigre.
Les intrigues – le pluriel est de mise – s’articulent autour de deux trames : la nuit du vol en question, en 1997 ; le retour en 2011 à Saint-Boniface d’Émilie Labrecque, l’épouse de Perreault lancée à la recherche de son frère Léo, complice du vol de 1997 pour lequel il vient de purger une peine de quatorze ans de prison. Aubry noue à ces prémisses une galerie de personnages concernés de près ou de loin par les événements, offre leur vision personnelle de cette nuit fatidique avec cette conséquence de nous resservir certains passages deux fois plutôt qu’une, en un copier-coller quasi intégral.
Au fil des révélations, on reste parfois incrédule devant l’accumulation de fléaux qui frappent Michel Perreault : son frère aîné est mort noyé, son fils souffre de troubles autistiques et sa femme est atteinte de leucémie. Puis on apprend que Marie-Louise et Maurice Perreault sont en réalité ses parents adoptifs, que sa mère biologique est plutôt une Métisse de Willow Bunch, que son vrai père est le curé Biron et que Perreault est au fond le fruit d’un viol perpétré dans l’obscurité morbide d’un pensionnat d’État… Le programme est donc chargé, la coupe est pleine et déborde même à l’occasion.
Mais à qui sait suspendre un moment son incrédulité et oublier les quelques redites, Ma vie est entre tes mains promet une lecture fort agréable. La romancière a de l’expérience, sait manifestement conduire une histoire – plusieurs dans ce cas – et offre en prime de belles évocations d’espaces tout droit sortis des romans de Gabrielle Roy. Les paysages désolés des plaines épousent d’ailleurs la nature revêche de ses habitants, tous emmurés dans la solitude opaque de leur petite personne. Impuissants, ils regardent passer le temps en ressassant leurs actes manqués, comme si la vie leur échappait et reposait entre les mains d’une fatalité qui resserre toujours davantage son emprise.
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