Philippe Besson gagne-t-il à tous les coups ? Chaque automne, à la rentrée des grands prix littéraires, il sort un nouveau livre et il reçoit un nouveau prix. En rafale, depuis six ans. À l’heure de mettre sous presse, son sixième roman, Un instant d’abandon, est en sélection pour le Médicis 2005.
L’abandon, titre et thème en porte-à-faux avec un roman dédicacé « à la mémoire de ceux qui sont passés par-dessus bord ». Nos morts, nos absents. Avec de courts paragraphes en coup de poing, l’auteur va droit au but, sans détour. Il manie sobrement les mots et les phrases.
Philippe Besson ne fait pas dans la dentelle. Réalistes, les personnages n’ont guère de complaisance. « Savez-vous ce que c’est, ce sentiment de la solitude au sein d’un couple ? » Des constats durs. « Tout ça, ça n’est qu’une histoire de lâcheté, une histoire aussi vieille que le monde. »
Accusé d’avoir tué un enfant, son enfant, Thomas Sheppard est de retour dans son petit village après cinq années de prison. « Dans ce pays dont les ciels sont voilés, dont les aubes sont mouillées, dont les matins sont froids. » Un décor qui s’harmonise à sa descente aux enfers. « En prison, on ne supporte pas les gens qui se sont attaqués aux enfants. On les méprise. »
En quatre chapitres et autant de personnages, on côtoie – mais sans vraiment y toucher – l’âme torturée de Sheppard, antihéros vivant dans la grisaille de la Cornouailles. « Je transporte un cadavre. J’ai ça avec moi, un cadavre. Pour toujours. » Les sous-titres des chapitres déclinent le menu : « Le pécheur », « La faute », « Le châtiment », « Le salut ».
Un récit bref qui mène de la transgression à la rédemption par l’amour. L’attente récompensée est-elle un facile point de chute d’un conte triste ? Peut-être. « Il n’avait rien dit, rien promis, pas fixé de rendez-vous mais j’étais persuadé qu’il finirait par venir. » « Il est arrivé par le train [ ]. Il savait [ ] qu’il était arrivé, que c’était la fin du voyage. »