Mirna, une jeune auteure, caresse le rêve d’écrire un livre pornographique, « un traité impudique, plein de cochonneries ». Selon elle, « les femmes ont toujours eu un sexe à coucher sur papier froissé » et c’est dans cet état d’esprit qu’elle laissera libre cours à ses fantasmes érotiques en rédigeant une série de nouvelles où se mêlent la passion, le désir, la violence et le sordide. Dans une de ces « pornographies » intitulée « le show d’Angèle », une très jeune fille, une « enfante » comme la surnomme l’écrivaine, tourne dans un film pour adultes, se laissant ballotter d’une fausse jouissance à l’autre. « Mirna auteure spectatrice narratrice lectrice se noie dans l’ambivalence de son personnage. Voudrait faire un film là-dessus mais le scénario lui échappe le sujet aussi. Certains films sont lourds à visionner pornographe auteure d’un traité sur la prostitution. » La jeune femme se laissera prendre au jeu de ses propres histoires et éprouvera du plaisir à mettre en mots les délires de putains, de petites filles ou de femmes rangées, pour qui l’érotisme est un jeu ou un don à exploiter.
Pour son second recueil de nouvelles, Claudine Potvin n’a pas eu froid aux yeux. Cependant, l’homme que je suis a ressenti un certain malaise à sa lecture. Bien que magnifiquement écrits, plusieurs de ces récits m’ont laissé la curieuse et désagréable impression de pénétrer en territoire ennemi, d’être un étranger dans cet univers sexuel presque exclusivement féminin, d’y être reçu en salaud. Car ce ne sont pas les salopards qui manquent, comme ce photographe érotique qui exploite les petites filles, et qui se fait poignarder par la sur aînée d’un des « modèles », et tous ces clients mâles qui abusent de la naïveté de toutes jeunes prostituées pour assouvir leurs pires instincts. Certains hommes sont présentés comme des obstacles à l’épanouissement de la femme, comme cet époux assassiné après de longues années de tiédeur.
Le recueil a le mérite d’explorer un thème assez peu exploité de la littérature, c’est-à-dire le désir et la jouissance au féminin, mais il fait parfois appel à l’imaginaire féministe des années soixante-dix (d’où les nombreux exergues empruntés aux Nicole Brossard, France Théoret et Josée Yvon), à l’époque de la mise en fiction des hommes sans cervelle, qui ne pensaient qu’à baiser, et de la découverte par les femmes du plaisir solitaire et du fantasme lesbien comme solution de rechange. De l’audace, certes, mais une certaine impression de déjà vu…