La réalité la plus tranchante n’interdit visiblement pas le rêve le plus improbable. L’amitié se noue entre deux garçons que rien ne semblait rapprocher, si ce n’est que le subit courage de l’un fait sortir l’autre de son mutisme. De confidence en espoir, ces deux enfants se bâtissent une parenté. Elle était nécessaire, car l’un vit sans son père et veille le coma de sa mère, tandis que l’autre n’a jamais connu l’amour maternel et reçoit les coups d’un père méprisable. Ensemble, ils se reconstruiront des raisons d’être, l’un offrant son admirable connaissance de la mer, l’autre révélant ce qu’est l’amour maternel.
L’iguane ? Il fera l’objet d’un véritable culte malgré le silence dans lequel l’a muré le travail du taxidermiste. Sera-t-il une divinité bienveillante ? Il faut le croire, puisque le coma, à sa demande, relâchera son emprise sur l’unique mère que partagent désormais les deux garçons.
Denis Thériault écrit, j’allais dire navigue, de façon à la fois drue et poétique. Le vocabulaire, précis et évocateur, s’invente des ressources linguistiques qui doivent tout au climat côtier et rien au joual. La motoneigite fait partie de ces trouvailles linguistiques qui satisferont aussi bien les amants que les adversaires de la pétaradante machine. Thériault fait lever en nous cette pensée magique qui ne cause jamais l’écrasement des autres, mais qui autorise la survie. Quand la mer, sans doute au nom de l’amitié, réclamera son dû, les deux garçons s’inclineront devant son exigence. Partis de la solitude, ils auront vécu à deux la courte trajectoire de l’amitié, de l’espoir, de la tendresse. Que l’iguane en soit remercié.