Retour sur le passé qui s’accroche à la mémoire, en dépit du refus catégorique de la nostalgie. L’enfance, là où l’amour du lointain prend racine : d’abord la fenêtre qui donne sur la rue, moyen d’évasion pour le gamin sur qui pèse l’atmosphère morose de l’espace familial. Puis, découverte de la lecture, passion qui invite à l’aventure par procuration et qui conduit le jeune Kokis à préférer de plus en plus son monde imaginaire à son cadre de vie. Le lointain devient le rêve de pays étrangers, quand s’ajoute l’apprentissage des langues. Mais c’est finalement pour l’aventure intellectuelle, celle des idées, qu’opte Kokis.
L’écrivain retrace après coup son itinéraire pour comprendre le processus de construction de son identité. C’est ce qui le motivera à écrire, la cinquantaine arrivée, alors qu’il est un peintre établi depuis vingt ans, toujours passionné d’images. Tous ses romans, depuis Le pavillon aux miroirs, seront des étapes pour mieux démêler l’écheveau de son identité multiple et aussi pour saisir son processus de création artistique. C’est dire que tous ses romans parlent de lui, de façon voilée. Remontant jusqu’à ses premières expériences de lecteur, il observe que « cette façon d’envisager l’espace littéraire comme un lieu d’exercices existentiels m’est restée toute la vie. Encore maintenant, en entrant dans la vieillesse, un roman n’a d’intérêt pour moi que s’il me permet des identifications ou des aventures qui correspondent à celles qui me tiennent à cœur». L’amour du lointain marque le terme d’un voyage où l’auteur aura saisi son processus de création et comment il est devenu ce qu’il est. En effet, Kokis se dit enfin libéré des questions qui le distrayaient de la peinture, sa passion première à laquelle il compte à nouveau se consacrer. Une œuvre à venir encore, peut-être, celle qu’il porte en lui, sur le thème de la mort.
L’amour du lointain captive par son érudition et ses réflexions philosophiques, et invite à la lecture des romans de l’auteur. Attention toutefois, peaux trop sensibles : Kokis laisse s’échapper du venin sur les critiques littéraires et les professeurs, les femmes surtout, les lecteurs paresseux, la psychologie, etc. Le roi n’est pas son cousin , mais l’ouvrage séduit en dépit de ces scories.