La nouvelle puissance américaine de Henry Kissinger se présente à la fois comme un inventaire du monde actuel et un plan d’action pour le XXIe siècle. Le grand diplomate américain y développe, avec le souci d’être compris d’un large public, quelques-unes de ses idées maîtresses en matière de politique étrangère : la nécessité de se doter d’une vision à long terme, d’opter pour le pragmatisme plutôt que pour l’idéalisme, de veiller à la défense des intérêts avant de partir en croisade.
Surtout, il éclaire le lecteur sur les attitudes qui ont fait la politique étrangère des États Unis et qui continuent de la façonner. Dans un chapitre particulièrement intéressant, il passe en revue les principes qui ont déterminé, depuis deux siècles, la position de l’Amérique dans ses rapports avec le monde extérieur, de la doctrine isolationniste de Monroe, en passant par la doctrine interventionniste de Wilson jusqu’au « renouveau moral » de Reagan.
Il fait surtout le tour des chantiers diplomatiques qui attendent l’Amérique dans un monde marqué par la fin de la guerre froide, la globalisation des économies, la fulgurante dissémination de l’information et la montée d’une conscience « planétaire ». Par exemple, il aborde la question des nouveaux enjeux que pose l’émergence d’une Europe unifiée. Pour les Amériques, il fait un éloge appuyé des grands traités qui ont scellé l’intégration des marchés économiques. Pour l’Asie, il plaide pour le maintien de l’équilibre des forces, sans voir d’un mauvais il toutefois l’émergence d’une prééminence de la Chine. Pour l’Afrique, il appelle à un assainissement des murs politiques et réclame une aide vigoureuse des pays mieux nantis.
Constatant que la politique étrangère n’avait fait l’objet d’aucun débat au cours des trois dernières élections présidentielles, convaincu que les Américains ont grandement tord de tenir pour acquise leur prééminence actuelle, Henry Kissinger a voulu réparer cette carence en proposant à la nouvelle administration républicaine un blue print de ce que devrait être une politique étrangère viable. Au final, le lecteur a entre les mains une analyse limpide, inscrite dans une perspective historique et rédigée avec un remarquable esprit de synthèse quand il s’agit de rendre compte des positions traditionnelles des pays dont l’auteur parle.