C’est à la visite d’un potager unique que nous convie la biographe et journaliste Évelyne Bloch-Dano dans son livre La fabuleuse histoire des légumes. L’exiguïté de ce jardin – finalement on n’y connaîtra qu’une dizaine de légumes – est largement compensée par l’érudition dont elle fait preuve pour en parler. À partir d’exemples puisés dans la peinture d’Arcimboldo ou de Chardin, dans les écrits de Joseph Delteil, de Jean Anthelme Brillat-Savarin ou de Marcel Proust, en s’arrêtant souvent pour nous entretenir de l’évolution du vocabulaire du potager, Évelyne Bloch-Dano nous ouvre en quelque sorte les portes de l’histoire en entrouvrant celles du jardin.
« Les végétaux sont à l’aube de l’humanité, ils constituent le degré élémentaire de l’organisation sociale, le passage du cru au cuit, de la nature à la culture, du stade de la cueillette à celui de l’agriculture : les humains ont apprivoisé les légumes comme ils ont domestiqué les animaux. » C’est sur ce constat qui dit assez l’étendue du sujet que débute la visite « jardinière » que propose la biographe d’Émile Zola et de Flora Tristan. Après avoir rapidement abordé la question de l’évolution du goût et des manières de table, l’auteure en vient à l’essentiel de son propos qui est de nous conter, par petites touches, les petite et grande histoires de quelques végétaux.
Entre autres révélations, elle nous apprend que c’est à Samuel de Champlain – et, par ricochet, au Québec – que l’Europe doit de s’être régalée de topinambours aux XVIIe et XVIIIe siècles avant que la pomme de terre le fasse tomber en disgrâce. Ou qu’une star des légumes comme la tomate est issue d’une famille pas très recommandable, les solanacées, dont font également partie la belladone, le datura et la jusquiame. On sera peut-être également surpris d’apprendre qu’au Moyen Âge, l’importance de la couleur des aliments l’emportait sur leur goût, accréditant avant l’heure l’idée que le plaisir de la table commence par l’excitation des yeux. Et, surprise, la citrouille illuminée à l’Halloween servait à chasser les mauvais esprits qui accompagnaient les morts venus se réchauffer auprès des vivants le soir de la Toussaint !
La fabuleuse histoire des légumes est un délicieux hors-d’œuvre. Mais, il ne rassasie pas. On en redemanderait encore et encore. Heureusement, l’auteure propose, en fin d’ouvrage, une copieuse bibliographie qui permettra de satisfaire la curiosité gourmande de ceux qui, comme nous, sont restés sur leur faim.