Qualifié par son auteur de « biographie » et de « récit », L’énigme de Sales Laterrière est plutôt, comme l’annonce l’éditeur (quatrième de couverture), un « roman historique » qui fait revivre la figure de Pierre de Sales Laterrière (1743-1815). Écarté du préciput et du titre de comte par le droit d’aînesse, ce cadet d’un second lit d’une famille de hobereaux languedociens choisit l’Amérique. Il y débarque en 1766, encouragé par l’oncle Rustan, et y devient commerçant, médecin, apothicaire, directeur des Forges du Saint-Maurice, seigneur, juge de paix, mémorialiste Ce mondain haut en couleur, qui s’intéresse de surcroît à la franc-maçonnerie et qui a hérité l’esprit du siècle des Lumières, y connaît aussi des déboires juridiques qui lui valent une incarcération de trois ans comme prisonnier politique. Mais surtout, il y assume une relation amoureuse passionnée et tourmentée avec Catherine Delezenne, dont il fait sa concubine pendant plus de vingt ans, au grand dam, d’ailleurs, du clergé et des commères qui lui tiennent tout ce temps la dragée haute.
L’énigme de Sales Laterrière recrée avec force détails le contexte politico-social canadien, américain et européen de l’époque en s’appuyant sur une documentation aussi nombreuse que variée provenant d’archives juridiques, journalistiques, héraldiques, médicales, culturelles, linguistiques, iconographiques Si l’aspect historique s’en trouve dès lors conforté, l’intérêt romanesque en subit en revanche les contrecoups. Car, nonobstant l’élégance et la précision de la plume d’Andrès, il y a des longueurs dans L’énigme de Sales Laterrière, beaucoup de longueurs, même, parfois, et le lecteur éprouve alors un double sentiment : de gêne pour le romancier qui progresse lentement dans son récit et d’admiration pour le chercheur qui a consacré dix ans de sa vie à son projet de recherche « Archéologie du littéraire au Québec », d’où sont issues ces 872 pages.